Échange automatique d’informations fiscales

Échange automatique d’informations fiscales (EAR) et conventions fiscales en Suisse

La Suisse a connu une transformation significative de son paysage fiscal international avec l’adoption de l’Échange Automatique de Renseignements (EAR) et la modernisation de ses conventions fiscales. Ces développements marquent un tournant dans la politique fiscale helvétique, traditionnellement caractérisée par une forte protection de la sphère privée financière. Désormais, la Confédération participe activement à la coopération fiscale internationale, tout en veillant à préserver sa compétitivité économique. Cette évolution répond aux pressions internationales exercées notamment par l’OCDE et le G20 dans leur lutte contre l’évasion fiscale. Pour les contribuables suisses et étrangers possédant des actifs en Suisse, comprendre ces mécanismes d’échange d’informations et les protections offertes par les conventions fiscales devient primordial pour une planification fiscale conforme aux nouvelles exigences légales.

Fondements juridiques et principes de l’EAR en Suisse

L’Échange Automatique de Renseignements repose sur un cadre juridique solide en Suisse. La base légale principale est la Loi fédérale sur l’échange international automatique de renseignements en matière fiscale (LEAR), entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Cette loi transpose dans le droit suisse la norme commune de déclaration (NCD) développée par l’OCDE.

Le mécanisme de l’EAR fonctionne selon un principe simple mais rigoureux : les institutions financières suisses collectent des informations sur les comptes détenus par des personnes résidant fiscalement à l’étranger, puis transmettent ces données à l’Administration fédérale des contributions (AFC). Cette dernière les communique ensuite aux autorités fiscales des pays partenaires concernés.

Les données échangées comprennent :

  • L’identité du titulaire du compte (nom, adresse, date de naissance, numéro d’identification fiscale)
  • Les informations sur le compte (numéro, solde ou valeur)
  • Les revenus financiers (intérêts, dividendes, autres revenus)
  • Le produit des ventes d’actifs financiers

La Suisse applique une approche bilatérale dans la mise en œuvre de l’EAR, établissant des accords spécifiques avec chaque juridiction partenaire. Fin 2023, la Confédération avait activé l’EAR avec plus de 100 États et territoires. Cette approche permet à la Suisse de s’assurer que certaines conditions sont respectées avant d’échanger des informations, notamment concernant la confidentialité et la sécurité des données.

Un aspect fondamental du système suisse d’EAR est le respect des principes de spécialité et de réciprocité. Le principe de spécialité garantit que les informations transmises ne peuvent être utilisées qu’à des fins fiscales. La réciprocité assure que l’échange d’informations fonctionne dans les deux sens, créant ainsi un système équilibré entre la Suisse et ses partenaires.

Pour les institutions financières suisses, la mise en œuvre de l’EAR a nécessité d’importants investissements dans les systèmes d’identification et de documentation des clients. Elles doivent appliquer des procédures de diligence raisonnable pour déterminer la résidence fiscale de leurs clients et identifier les comptes déclarables.

Les conventions fiscales suisses : structure et objectifs

Les conventions de double imposition (CDI) constituent un pilier majeur de la politique fiscale internationale de la Suisse. Ces accords bilatéraux visent principalement à éviter qu’un même revenu soit imposé deux fois : une fois dans le pays où il est généré et une seconde fois dans le pays de résidence du contribuable.

La Suisse dispose d’un réseau étendu de conventions fiscales, avec plus de 100 accords signés avec différents pays. Ces conventions suivent généralement le modèle de l’OCDE, tout en intégrant certaines spécificités propres à la politique fiscale suisse.

La structure typique d’une convention fiscale suisse comprend :

  • Des dispositions définissant le champ d’application personnel et matériel
  • Des règles de détermination de la résidence fiscale
  • Des méthodes d’élimination de la double imposition
  • Des dispositions concernant l’échange de renseignements
  • Des procédures amiables en cas de différends

Évolution des clauses d’échange d’informations

Un changement fondamental dans les conventions fiscales suisses concerne les clauses d’échange de renseignements. Traditionnellement restrictives, ces clauses ont été considérablement élargies depuis 2009, lorsque la Suisse a accepté d’adopter l’article 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE dans sa version intégrale.

Cette évolution a marqué l’abandon de la distinction historique entre l’évasion fiscale (non punissable en droit suisse) et la fraude fiscale, permettant désormais l’échange d’informations sur simple demande pour tous les types de questions fiscales, sans nécessité de prouver un comportement frauduleux.

Les conventions fiscales modernes signées par la Suisse intègrent systématiquement des clauses d’assistance administrative étendues, facilitant ainsi la coopération internationale en matière fiscale tout en maintenant certaines garanties procédurales pour les contribuables concernés.

Pour les entreprises et particuliers, les conventions fiscales suisses offrent des avantages substantiels, comme la réduction des taux d’imposition à la source sur les dividendes, intérêts et redevances, ou encore l’accès à des mécanismes de résolution des conflits fiscaux via les procédures amiables.

Interaction entre l’EAR et les conventions fiscales

L’Échange Automatique de Renseignements et les conventions fiscales représentent deux instruments distincts mais complémentaires de la coopération fiscale internationale suisse. Leur interaction crée un cadre juridique cohérent qui influence considérablement la planification fiscale internationale.

Les conventions fiscales établissent généralement la base juridique pour l’échange d’informations sur demande, tandis que l’EAR constitue un mécanisme systématique et régulier de transmission de données. Cette complémentarité permet aux autorités fiscales d’obtenir une vision plus complète de la situation fiscale des contribuables ayant des activités transfrontalières.

Un aspect notable de cette interaction concerne la détermination de la résidence fiscale. Les conventions fiscales contiennent des critères précis pour résoudre les cas de double résidence, tandis que l’EAR utilise ces mêmes critères pour identifier les comptes déclarables. Cette cohérence assure une application uniforme des règles fiscales internationales.

La mise en œuvre simultanée de ces deux instruments a considérablement réduit les possibilités de non-déclaration d’avoirs étrangers. Si un contribuable omet de déclarer un compte à l’étranger, l’EAR permettra vraisemblablement à son pays de résidence d’en être informé. Parallèlement, les conventions fiscales déterminent comment ces revenus étrangers seront imposés.

Pour les institutions financières suisses, cette interaction implique une vigilance accrue dans l’identification des clients et la documentation de leur statut fiscal. Elles doivent non seulement respecter les obligations découlant de l’EAR mais aussi tenir compte des dispositions spécifiques des conventions fiscales applicables aux différentes catégories de clients.

Les contribuables confrontés à des questions fiscales internationales doivent désormais adopter une approche proactive, en s’assurant que leurs arrangements financiers sont conformes tant aux exigences de l’EAR qu’aux dispositions des conventions fiscales pertinentes. Cette nouvelle réalité nécessite souvent un accompagnement juridique spécialisé pour naviguer dans la complexité des règles fiscales internationales.

Obligations déclaratives et conséquences du non-respect

Le système d’Échange Automatique de Renseignements impose des obligations déclaratives strictes aux institutions financières suisses. Ces dernières doivent identifier les comptes déclarables, collecter les informations requises et les transmettre annuellement à l’Administration fédérale des contributions (AFC).

La procédure d’identification des clients soumis à déclaration suit un protocole rigoureux :

  • Pour les nouveaux clients : procédure d’auto-certification lors de l’ouverture du compte
  • Pour les clients existants : analyse basée sur des indices de résidence fiscale étrangère
  • Classification des entités selon leur statut (institutions financières, entités non financières actives ou passives)
  • Identification des personnes détenant le contrôle pour certaines entités

Le calendrier de déclaration est précis : les institutions financières doivent transmettre leurs données à l’AFC avant le 30 juin de chaque année pour les informations relatives à l’année précédente. L’AFC transmet ensuite ces données aux juridictions partenaires avant le 30 septembre.

Le non-respect de ces obligations expose les institutions financières à des sanctions sévères. La LEAR prévoit des amendes pouvant atteindre 250’000 CHF en cas de violation intentionnelle des obligations de déclaration ou de diligence. Même les infractions par négligence peuvent entraîner des amendes jusqu’à 100’000 CHF.

Pour les contribuables, les conséquences du non-respect sont tout aussi significatives. La découverte d’avoirs non déclarés via l’EAR peut déclencher :

  • Des procédures de rappel d’impôt portant sur dix ans
  • Des intérêts moratoires sur les montants dus
  • Des amendes pouvant atteindre jusqu’à trois fois le montant de l’impôt soustrait
  • Dans les cas graves, des poursuites pénales pour fraude fiscale

Protection des données et droits des contribuables

Face à ces obligations accrues, le droit suisse prévoit néanmoins certaines protections pour les contribuables. La LEAR garantit aux personnes concernées le droit d’accéder aux informations les concernant et de demander la rectification de données inexactes avant leur transmission à l’étranger.

Les institutions financières doivent informer leurs clients déclarables que des informations les concernant seront collectées et transmises. Cette transparence vise à assurer que les contribuables puissent exercer leurs droits et, si nécessaire, régulariser leur situation fiscale.

La protection des données transmises constitue une préoccupation majeure. La Suisse n’active l’EAR qu’avec des juridictions respectant les standards internationaux en matière de confidentialité et de sécurité des données. Des audits réguliers sont menés pour vérifier le respect de ces standards par les pays partenaires.

Implications pratiques pour les résidents suisses et étrangers

L’avènement de l’EAR et l’évolution des conventions fiscales suisses ont profondément modifié le paysage de la planification patrimoniale internationale. Pour les résidents suisses détenant des actifs à l’étranger comme pour les non-résidents possédant des avoirs en Suisse, ces changements nécessitent une adaptation des stratégies fiscales.

Les résidents suisses avec des avoirs à l’étranger reçoivent désormais automatiquement des informations de leurs institutions financières concernant les données qui seront transmises aux autorités fiscales étrangères puis à l’AFC. Cette transparence accrue rend indispensable la déclaration complète des avoirs étrangers dans la déclaration fiscale suisse.

Pour les non-résidents détenant des actifs en Suisse, l’EAR signifie que les informations sur leurs comptes suisses sont communiquées à leurs autorités fiscales nationales. Cette situation a conduit de nombreux contribuables à régulariser leur situation fiscale, souvent en profitant des programmes de divulgation volontaire mis en place dans divers pays.

Dans ce contexte, la planification fiscale internationale requiert une connaissance approfondie des conventions fiscales applicables. Ces conventions déterminent :

  • Le pays ayant le droit d’imposer différentes catégories de revenus
  • Les taux d’imposition à la source applicables aux dividendes, intérêts et redevances
  • Les méthodes d’élimination de la double imposition (exemption ou crédit d’impôt)
  • Les définitions fiscales de concepts comme l’établissement stable ou la résidence fiscale

Stratégies d’optimisation fiscale légitimes

Malgré le renforcement de la transparence fiscale, des stratégies d’optimisation légitimes demeurent disponibles. Elles doivent toutefois être soigneusement structurées pour respecter tant la lettre que l’esprit des lois fiscales applicables.

Les conventions fiscales offrent encore des opportunités de planification, notamment pour les entrepreneurs internationaux et les investisseurs. L’utilisation judicieuse des dispositions conventionnelles peut permettre de réduire la charge fiscale globale tout en assurant une conformité totale avec les obligations déclaratives.

Pour les familles fortunées avec des membres résidant dans différents pays, une coordination entre les différents régimes fiscaux devient nécessaire. La structuration patrimoniale doit prendre en compte non seulement les implications fiscales immédiates mais aussi les conséquences potentielles en matière de succession et de transmission d’entreprise.

Face à cette complexité croissante, le recours à une étude d’avocats spécialisée en droit fiscal international s’avère souvent nécessaire. Les experts juridiques peuvent analyser la situation spécifique de chaque client à la lumière des conventions fiscales pertinentes et des obligations découlant de l’EAR, afin d’élaborer des stratégies conformes et efficientes.

La mise en conformité représente désormais un enjeu majeur pour de nombreux contribuables. Les professionnels du droit fiscal peuvent accompagner leurs clients dans des procédures de régularisation, en négociant avec les autorités fiscales et en minimisant les pénalités potentielles, tout en assurant une transition vers une situation pleinement conforme aux nouvelles exigences de transparence fiscale internationale.

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