Fiscalité des groupes de sociétés

La fiscalité des groupes de sociétés et intégration fiscale en Suisse

La fiscalité applicable aux groupes de sociétés en Suisse présente des spécificités qui la distinguent des régimes d’autres pays européens. Contrairement à certains États voisins, la Suisse ne dispose pas d’un véritable régime d’intégration fiscale permettant une consolidation complète des résultats. Néanmoins, le système fiscal suisse offre divers mécanismes qui permettent d’atténuer la double imposition économique et d’optimiser la charge fiscale des structures de groupe. Ces dispositifs s’articulent autour de la réduction pour participations, des restructurations neutres fiscalement et de certaines possibilités de compensation des pertes entre entités liées. La compréhension de ces mécanismes constitue un enjeu majeur pour les groupes internationaux implantés en Suisse, dans un contexte de concurrence fiscale internationale et d’évolution constante des normes OCDE.

Le système fiscal suisse et ses particularités pour les groupes

Le système fiscal helvétique se caractérise par une structure fédérale à trois niveaux d’imposition : fédéral, cantonal et communal. Cette architecture confère au régime fiscal suisse une complexité particulière pour les groupes de sociétés qui doivent composer avec des règles parfois différentes selon les cantons.

Au niveau fédéral, l’impôt sur le bénéfice est perçu au taux unique de 8,5% (ce qui correspond à un taux effectif de 7,83% après déduction fiscale). Pour les impôts cantonaux et communaux, les taux varient considérablement d’un canton à l’autre, créant une forme de concurrence fiscale interne qui peut influencer les décisions d’implantation des groupes.

À la différence de nombreux pays européens, la Suisse n’a pas institué de régime d’intégration fiscale permettant une consolidation complète des résultats au sein d’un groupe. Chaque entité juridique est considérée comme un contribuable distinct et doit déposer sa propre déclaration fiscale.

Absence de véritable régime de consolidation

L’absence d’un système de consolidation fiscale intégrale en Suisse constitue une caractéristique fondamentale que les groupes doivent prendre en compte dans leur planification. Cette approche se distingue nettement des régimes d’intégration fiscale existant en France ou en Allemagne, où les résultats des filiales peuvent être consolidés avec ceux de la société mère.

Cette particularité suisse implique que chaque société du groupe est imposée séparément sur son propre bénéfice, sans possibilité de compensation automatique des profits et des pertes entre entités du même groupe. Toutefois, des mécanismes alternatifs ont été développés pour atténuer les effets de cette absence de consolidation.

  • Imposition individuelle de chaque entité juridique
  • Absence de compensation automatique des profits et pertes
  • Nécessité de recourir à d’autres mécanismes d’optimisation
  • Planification fiscale plus complexe pour les groupes multinationaux

Cette configuration exige une attention particulière dans la structuration des opérations intragroupe et dans l’organisation juridique des activités sur le territoire helvétique.

La réduction pour participations : pilier de la fiscalité des groupes

Face à l’absence d’un régime de consolidation fiscale, le système suisse a développé un mécanisme central pour les groupes : la réduction pour participations. Ce dispositif constitue la pierre angulaire de la fiscalité des groupes en Suisse et vise à éviter la double imposition économique des bénéfices générés au sein d’un groupe.

La réduction pour participations n’est pas une exonération directe mais fonctionne comme une réduction proportionnelle de l’impôt. Son principe est de diminuer l’impôt sur le bénéfice proportionnellement au rapport entre le rendement net des participations et le bénéfice net total.

Conditions d’application de la réduction

Pour bénéficier de la réduction pour participations, deux conditions alternatives doivent être remplies :

  • La société détient au moins 10% du capital-actions ou du capital social d’une autre société
  • La société détient des participations d’une valeur vénale d’au moins 1 million de francs suisses

Ce mécanisme s’applique tant aux dividendes reçus qu’aux gains en capital réalisés lors de la cession de participations, sous réserve que ces dernières aient été détenues pendant au moins un an et représentent au moins 10% du capital de la société cédée.

La formule de calcul de cette réduction est la suivante :

Réduction en % = (Rendement net des participations / Bénéfice net total) × 100

Ce système présente l’avantage d’être relativement simple dans son principe, mais peut s’avérer complexe dans son application pratique, notamment pour déterminer le rendement net des participations qui nécessite diverses retraitements (frais de financement, frais d’administration, etc.).

La réduction pour participations constitue un avantage compétitif pour les holdings suisses qui peuvent ainsi percevoir des dividendes de leurs filiales avec une charge fiscale très réduite, voire quasi nulle dans certaines configurations.

Les mécanismes de compensation des pertes entre entités liées

Bien que la Suisse ne dispose pas d’un régime d’intégration fiscale à proprement parler, certains mécanismes permettent néanmoins d’atteindre partiellement les effets d’une consolidation, notamment en matière de compensation des pertes entre sociétés d’un même groupe.

Le report des pertes

En droit fiscal suisse, une société peut reporter ses pertes sur les sept exercices suivants. Cette possibilité de report constitue un premier niveau d’optimisation pour les groupes qui peuvent ainsi planifier leurs activités en tenant compte de cette temporalité.

Contrairement à d’autres juridictions, la Suisse ne permet pas le report en arrière des pertes (« carry-back »), ce qui limite les options des groupes en matière de planification fiscale lors de retournements conjoncturels.

Transferts de valeurs et prix de transfert

À défaut d’intégration fiscale, les groupes peuvent recourir à des mécanismes indirects pour optimiser leur charge fiscale globale :

  • Facturation de prestations de services intragroupe
  • Prêts intragroupe avec taux d’intérêt optimisés
  • Redevances pour l’utilisation de propriété intellectuelle
  • Centralisation de certaines fonctions dans des entités spécifiques

Ces mécanismes doivent respecter le principe de pleine concurrence (« arm’s length principle ») et peuvent faire l’objet d’un examen approfondi par les autorités fiscales suisses, particulièrement vigilantes en matière de prix de transfert.

Utilisation des structures de holding

La création d’une structure de holding en Suisse représente une stratégie fréquemment employée pour optimiser la fiscalité d’un groupe. Les holdings suisses bénéficient d’un régime fiscal avantageux grâce à la réduction pour participations mentionnée précédemment.

Cette structure permet notamment :

  • De centraliser la détention de participations
  • D’optimiser la remontée de dividendes
  • De faciliter les restructurations internes
  • De bénéficier du vaste réseau de conventions fiscales de la Suisse

Les cantons offrent des conditions variables pour l’implantation de holdings, certains proposant des avantages spécifiques qui méritent une analyse détaillée lors de la structuration d’un groupe international.

Les restructurations de groupes et leur traitement fiscal

Les opérations de restructuration constituent des moments critiques dans la vie des groupes de sociétés. Le droit fiscal suisse prévoit un cadre spécifique permettant, sous certaines conditions, de réaliser ces opérations en neutralité fiscale.

Fusions et scissions neutres fiscalement

La Loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus) encadre ces opérations sur le plan juridique, tandis que la Loi sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et la Loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) en définissent le traitement fiscal.

Pour qu’une fusion soit considérée comme fiscalement neutre, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • L’assujettissement à l’impôt en Suisse doit se poursuivre
  • Les valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice sont reprises
  • L’opération doit avoir une justification économique

Des règles similaires s’appliquent aux scissions, avec une attention particulière portée au maintien de l’exploitation au sein des entités résultantes.

Transferts d’actifs et de patrimoine

Le transfert d’éléments de patrimoine entre sociétés d’un même groupe peut être réalisé en neutralité fiscale lorsque :

  • Le transfert concerne une exploitation ou une partie distincte d’exploitation
  • Le transfert concerne des participations d’au moins 20% du capital
  • Les valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice sont maintenues

Ces dispositions permettent aux groupes de réorganiser leurs activités et leurs structures sans déclencher d’imposition immédiate, facilitant ainsi l’adaptation aux évolutions du marché ou aux changements stratégiques.

La planification minutieuse de ces opérations, avec l’accompagnement d’experts fiscalistes, s’avère indispensable pour sécuriser le traitement fiscal souhaité et éviter des redressements ultérieurs.

Défis actuels et accompagnement juridique en matière de fiscalité des groupes

La fiscalité des groupes en Suisse connaît d’importantes transformations sous l’influence des initiatives internationales et des modifications législatives nationales. Ces évolutions créent un environnement complexe nécessitant une expertise pointue.

Impact du projet BEPS et des standards internationaux

Le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE a profondément modifié l’approche de la fiscalité internationale. La Suisse, soucieuse de maintenir sa conformité avec les standards internationaux, a adapté sa législation fiscale pour répondre à ces exigences.

Ces changements se traduisent notamment par :

  • Le renforcement des exigences en matière de substance économique
  • L’adoption de l’échange automatique de renseignements fiscaux
  • L’implémentation des standards minimums du projet BEPS
  • La modification de certains régimes fiscaux considérés comme non conformes

Pour les groupes internationaux, ces évolutions impliquent une revue critique de leurs structures existantes et une adaptation de leurs stratégies fiscales.

La réforme fiscale suisse et ses implications

La récente réforme fiscale suisse (RFFA – Réforme fiscale et financement de l’AVS) a supprimé certains régimes fiscaux spéciaux tout en introduisant de nouvelles mesures compatibles avec les standards internationaux :

  • Patent box (imposition réduite des revenus de propriété intellectuelle)
  • Déductions supplémentaires pour les dépenses de R&D
  • Déduction pour autofinancement dans certains cantons

Ces mesures constituent de nouvelles opportunités d’optimisation fiscale pour les groupes, mais nécessitent une analyse approfondie pour en maximiser les bénéfices tout en respectant les conditions d’application.

L’accompagnement par une étude d’avocats spécialisée

Dans ce contexte d’évolution constante et de complexification du cadre fiscal, l’accompagnement par une étude d’avocats spécialisée en droit fiscal suisse devient un atout stratégique pour les groupes de sociétés.

Une étude d’avocats disposant d’une expertise en fiscalité des groupes peut intervenir à plusieurs niveaux :

  • Analyse de la structure existante et identification des risques fiscaux
  • Conception de structures optimisées respectant les nouvelles exigences
  • Accompagnement dans les opérations de restructuration
  • Sécurisation des transactions intragroupe
  • Obtention de rulings fiscaux auprès des autorités compétentes

L’approche interdisciplinaire qu’offre une étude d’avocats permet d’aborder la fiscalité des groupes dans sa globalité, en tenant compte des aspects corporatifs, contractuels et réglementaires qui interagissent avec les problématiques fiscales.

La connaissance approfondie des spécificités cantonales constitue un autre avantage déterminant, permettant d’identifier les juridictions les plus favorables selon le profil et les activités du groupe concerné.

Face aux contrôles fiscaux de plus en plus rigoureux et aux exigences accrues en matière de documentation, l’accompagnement préventif et la sécurisation des positions fiscales deviennent des éléments déterminants dans la stratégie des groupes implantés en Suisse.

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